« Tu es la plus belle fille du monde… après Meghan. » Quoi? Jusqu’au samedi 19 mai, j’étais à ses yeux la plus belle fille du monde. Point. C’était avant que mon amoureux ne se décide d’assister par écran plat interposé au mariage de l’actrice Meghan Markle et du prince Harry. La couleur de notre peau étant similaire, il n’en a pas fallu plus pour qu’il me surnomme sa Meghan. Mon métissage a le dos large. Disons que les bleus de nos voitures décapotables ont plus de liens de sang que les épidermes caramel de la désormais duchesse de Sussex et de la roturière du Mile-End que je suis. Mais quand tu veux vivre un rêve royal par procuration…
Comme je souhaite regagner la première place de son concours de beauté, je me suis mise à nous chercher des similitudes à Meghan Chose et à moi (ben non, je ne suis pas jalouse!). Nos jeunesses? Nos goûts vestimentaires? Nos aspirations sociales et professionnelles? Notre chute de rein? Nos produits capillaires? Notre compte de banque? En vain. Rien trouvé. Nada.
Jugez plutôt! Lorsque l’homme de ma vie m’a demandé en mariage, il y a quatre ans, je lui ai fait savoir que j’aspirais à une modeste réception d’au plus 300 invités. Pas 600 comme dimanche dernier. Ma robe? Je vise les boutiques de la Plaza St-Hubert pour me draper de blanc, comme la directrice de Givenchy retourne rarement mes appels. Je n’ai jamais fréquenté de gars aux cheveux roux. Je ne connais pas les jumeaux de Ben Mulroney. Oui, j’adore Londres, mais pour son histoire musicale avant son Palais de Buckingham. La grand-mère de mon époux n’a pas cette fâcheuse manie de faire coordonner sa jupe, sa veste, son sac à main, ses bas-culottes, ses souliers et son chapeau dans des tons pastel depuis des décennies. Après vérification dans mon porte-monnaie, je confirme qu’aucun membre de ma famille ne figure sur des billets de banque canadiens.
Mon haut fait d’armes souverain en 40 ans de vie? Il se résume en une surprenante quinte flush royale lors d’une partie de poker en 1999 dans le sous-sol des parents d’un ami. Ou encore en une interprétation passionnée de la chanson Royals de Lord, livrée lors d’une soirée karaoké dans un bar de la rue Masson, dans la totale indifférence de la clientèle. On est loin du tour de calèche devant une foule de 100 000 personnes émues et conquises.
Mais je blague ici. Car l’élément de discorde avec mon chum en ce qui a trait à l’union de Mme Markle et de son prince, réside moins dans le fait qu’il la trouve sublime (« n’écris pas ça, ce n’est pas vrai que tu passes après elle, bon! ») que je trouve étrange son intérêt pour la royauté. Plus largement, cet intérêt de bien des gens pour une institution d’une autre époque, à mes yeux. Immuable à bien des égards. Qui met en scène des gens vivant dans un confort ouaté, à l’écart des problèmes et défis de la société. Dans un univers parallèle. Oh, oui, la reine Elisabeth II conçoit enfin que ses enfants et petits-enfants épousent quelqu’un qui s’est divorcé et de métissé. Oui, ses membres investissent beaucoup de temps pour bien des causes. Mais les images que l’on tire de leurs charitables efforts sont plaquées et semblent chaque fois scénarisées.
Rien à faire depuis une semaine! Mes arguments ne passent pas. Comme des millions de personnes, le 19 mai dernier, mon chum a décidé de vivre son conte de fées, à lui, malgré les 5000 kilomètres qui le séparent du couple royal chéri. En compagnie de sa presque-Meghan. Si seulement Harry m’était tombé dans l’œil…
– Votre altesse Isabelle