Des apparences trompeuses…

 

 

Il m’arrive souvent d’imaginer la vie des gens que je croise brièvement. Bien que je ne ne les connaissent pas, je les observe et parfois une démarche, un sourire, un regard, un timbre de voix me donne envie de construire un personnage et de leur inventer une histoire. Déformation professionnelle sans doute.

On ne soupçonne jamais vraiment ce que les gens vivent, encore moins ce qu’ils ressentent.

Cette foutue pandémie et ces confinements à répétition n’ont fait qu’exacerber cela. On se sent loin des autres, reclus dans un climat ô combien anxiogène.

L’histoire que je m’apprête à vous raconter est vraie. Si j’avais eu à inventer la vie de cette femme, je n’aurais jamais parié sur cette version-là. Pourtant, c’est la réalité. Des mois plus tard, j’y repense encore…

C’était en août dernier. Les vacances de la construction étaient terminées et les travaux de rénovation que nous avions entamé depuis quelques mois pouvaient enfin reprendre. Mon mari travaillait de la maison et les ouvriers étaient présents.

L’un d’eux a vu des voisins s’approcher pour prévenir qu’une dame s’était introduite dans notre maison par la porte du garage restée ouverte.

Mon mari est tombé face à face avec cette dernière. Elle semblait dans un état second. Il a eu le bon réflexe: garder son calme, surtout ne pas la brusquer et répondre calmement aux questions qu’elle lui posait.

Elle déambulait, regardait les photos dans les cadres, s’était même assise au piano avant que son conjoint arrive dans l’embrasure de la porte. Il était mal à l’aise, désemparé et désirait se justifier. Il était en route pour déposer sa femme, la mère de ses enfants à l’hôpital. Elle était agitée et s’était enfuie par le toit ouvrant. Il l’a suivait à pied, maladroit, ne sachant pas trop comment gérer cette situation… À la suite d’une série d’événements personnels qui s’étaient produits dernièrement, elle était très instable. Mais leur couple durait depuis 15 ans et une circonstance semblable était rarissime. Sa femme avait une job « steady », était une bonne maman, bref, elle avait une vie normale.

D’une façon très délicate, la police a voulu la faire sortir, mais la dame ne voulait pas, ma maison était la sienne et mon mari aussi… Elle a finalement obtempéré.

C’est à ce moment-là que je suis arrivée et que l’on m’a tout raconté. J’en étais bouleversée.

Par la suite, j’ai longuement discuté avec mon voisin immédiat. Il est psychiatre et lors de cette journée si particulière, il avait pu s’entretenir avec le mari de cette dame ainsi qu’avec les policiers. La bipolarité se révèle souvent dans la vingtaine et trentaine, mais aussi à tout âge et peut conduire à une psychose. Personne n’est réellement à l’abri d’avoir des enjeux de santé mentale ou de vivre une situation semblable qui peut se manifester selon le stress du parcours existentiel. Nul ne devrait juger.

J’admire des initiatives comme la journée Bell Cause pour la cause dont l’action concrète et proactive a permis une plus grande ouverture d’esprit pour que les tabous et préjugés s’estompent enfin.

Que ce soit la dépression, l’anxiété, la bipolarité, la détresse psychologique ou autres enjeux, en parler c’est comprendre et devenir forcément plus tolérant, indulgent… À moins d’être obtus et sans coeur.

À distance, j’ai observé une scène que j’ai trouvé extrêmement déchirante. La jeune femme reprenait petit à petit ses esprits. Elle n’arrêtait pas de s’excuser à voix haute. Puis, elle a dit ceci à son amoureux:

« M’aimes-tu encore? »

Ces mots résonnent en moi. Le regard des autres dans une telle situation peut être sans merci. Et j’imagine que la honte est parfois proportionnelle au jugement que l’on ressent envers soi.

On ne soupçonne jamais vraiment ce que les gens vivent, encore moins ce qu’ils ressentent. Les apparences peuvent être trompeuses, n’est-ce pas?

 

 

Crédit photo: Sébastien Sauvage

   

4 réflexions sur “Des apparences trompeuses…

  1. Mon Dieu! Ayant un Papa décédé récemment de la maladie d’Alzeimer, des périodes de psychose, il en a vécu, de par la nature même de la maladie. Mais mère, courageusement a supporté son homme avec tellement d’amour. Merci pour ce beau papier. Marie-Andrée Dubreuil

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