par Isabelle Massé
L’hiver s’en vient. Les pneus à crampons sont posés, les meubles de la terrasse sont en état d’hibernation, le calfeutrage des fenêtres est fait et les manteaux sont sortis de l’armoire à boules à mites. Il ne me reste qu’à pratiquer ma technique pour visser une tuque sur ma tête. Car on n’entre pas huit kilos de cheveux sous un bonnet avec nonchalance!
Vous avez remarqué? J’ai les frisous joyeux et exaltés. Sous un chaud vent estival ou dans une vidéo tournée au ralenti, ils font leur effet. Lors d’un party thématique disco également. Mais sous une tuque, comment dire… Il me vient l’image d’un milk shake au chocolat qui jaillit d’un mélangeur à high sans couvercle.
Pour le look de feu, on repassera. J’ai abdiqué depuis un bail. Disons que je ne serai jamais mannequin pour Harricana! Ni pour Salomon, car l’effet est encore plus rigolo sous un casque de ski. Extra large, évidemment. Quand on me complimente par temps froid, on s’attarde à mon manteau et mes bottes. Les galanteries s’arrêtent aux épaules! Mais je persiste et signe. Il faut bien que je me couvre.
Après tout, ces cheveux – un héritage de ma mère haïtienne – me définissent. Je les aime, même s’il me faut 30 minutes pour les démêler, après un shampoing, qu’ils capturent et étouffent tout sur leur passage (pollen, confettis, abeilles) telle une étoile noire avec la lumière et qu’ils s’interposent parfois dangereusement dans mon angle-mort lorsque je conduis.
Je les ai longtemps détestés. Petite, dans mon école de banlieue, je jalousais ces filles aux cheveux lisses et dociles. Les miens étaient toujours tressés, pour une raison pratico-pratique. Une actrice adulée s’affichait dans nos magazines préférés avec la coupe courte de l’heure, mes amies devenaient ses sosies. Ça devenait une affaire de gang de laquelle je me sentais exclue. Et différente. Comme si ça ne pouvait plus mal aller, à l’adolescence, sans bonne technique en coiffure, j’ai souvent fait rire de moi avec des looks qui défiaient l’imagination… mais surtout le bon goût.
Puis, en vieillissant, être bouclée à la puissance 10 m’a de moins en moins dérangée. Je n’apprends rien à personne : en grandissant, on se fiche d’être singulière et de ne pas ressembler à la plus belle fille de l’école.
Je dis merci à une vieille idole de préadolescentes Mel B des Spice Girls qui a pavé le chemin capillaire pour les métissées comme moi (pardon, Diana Ross!). Qui a prouvé à toutes qu’on pouvait charmer et faire tourner des têtes en se peignant comme si elle faisait exploser des feux d’artifice dans ses cheveux. Je blague. À peine…
Ok, ça c’était dans des vidéoclips ou sur une scène entourée constamment de stylistes et des meilleurs coiffeurs du monde. Dans une bulle pop où tout était minutieusement calculé, où on a formaté la chanteuse afin de faire prendre de l’assurance aux préados qui se sentaient mises à l’écart. Bon, j’aimerais la voir avec une tuque maintenant!
Isabelle